Les conseils préconçus des éleveurs canins
- Anouk Lecourt
- 31 mai
- 3 min de lecture
Démêler le vrai du faux : Ce que les comportementalistes canins savent des idées reçues chez les éleveurs

En tant que comportementaliste animalier, mon rôle est d'aider les propriétaires à comprendre et à modifier les comportements de leurs chiens, souvent en démystifiant certaines idées reçues. Il est fréquent que de nouveaux propriétaires arrivent avec des notions bien ancrées, parfois transmises par les éleveurs eux-mêmes. Si la majorité des éleveurs sont passionnés et bien intentionnés, il arrive que certains conseils, même donnés de bonne foi, soient dépassés ou, pire, contre-productifs.
Voici un aperçu des idées préconçues les plus courantes que nous, comportementalistes, rencontrons, et pourquoi il est essentiel de les aborder avec un esprit critique.
"Ne le sortez pas à l’extérieur avant la fin de ses vaccins!"
A ne surtout pas faire ! La periode d’adaptation/socialisation du chiot est entre 3 semaines et 4 mois environ. Si vous attendez la fin des vaccins, vous pourrez en théorie sortir votre chiot vers 3mois/3mois et demi. Hors, vous serez passé à côté de moments cruciaux dans son développement, qui lui permettront de s’adapter à tout ce à quoi il sera confronté plus tard. Votre chiot pourra alors développer des comportements non désirés qui rendront quotidien compliqué pour tous.
"Un chien qui grogne domine, il faut le punir !"
C'est probablement l'une des idées les plus dangereuses. Un grognement n'est pas un signe de dominance à punir, mais un signal d'avertissement. Le chien exprime son inconfort ou sa peur. Le punir pour avoir grogné, c'est lui apprendre à ne plus émettre ce signal. Le résultat ? Un chien qui, le jour où il ne pourra plus contenir son émotion, passera directement à la morsure sans avertissement préalable. En tant que comportementaliste, j'encourage à chercher la cause du grognement et à travailler sur l'émotion sous-jacente plutôt que sur le symptôme.
"Il faut lui montrer qui est le chef en le dominant !"
L'idée de la dominance inter-espèces est une théorie dépassée et maintes fois réfutée par la science du comportement animal. Les chiens ne cherchent pas à "dominer" leurs humains. Les méthodes basées sur la confrontation physique (comme le fameux "alpha roll" ou l'immobilisation forcée) non seulement sont inefficaces à long terme, mais elles brisent la confiance du chien, augmentent son stress et peuvent mener à de l'agressivité par peur ou par irritation. Une relation saine avec son chien se construit sur la confiance et le respect mutuel, pas sur la coercition.
"Laissez-le pleurer la nuit, il finira par s'habituer !"
Beaucoup d'éleveurs conseillent de laisser un chiot seul pleurer la nuit pour qu'il s'habitue à l'isolement. Or, pour un chiot qui vient d'être séparé de sa mère et de sa fratrie, ces pleurs sont un signe de détresse et d'anxiété. Ignorer ces signaux peut renforcer l'anxiété et créer des problèmes de comportement à long terme. L'accompagnement, la présence rassurante et la mise en place progressive d'une routine sont bien plus efficaces pour aider un chiot à s'adapter en douceur.
"Il faut le nourrir après nous pour qu'il sache qu'on est au-dessus de lui !
Cette idée, également liée à la théorie de la dominance, n'a aucune base scientifique. L'ordre de distribution de la nourriture n'a aucune influence sur la perception du chien de la hiérarchie au sein de la famille. Ce qui est important, c'est la constance des repas et la qualité de la nourriture.
"Attendez 6 mois pour l'éduquer, avant c'est trop tôt !"
C'est une erreur fondamentale. La période de socialisation du chiot (entre 3 semaines et 16 semaines environ) est cruciale pour son développement. Chaque expérience vécue durant cette période, positive ou négative, va façonner son comportement futur. Attendre 6 mois, c'est rater une fenêtre d'apprentissage essentielle. L'éducation positive peut (et doit !) commencer dès l'arrivée du chiot à la maison, de manière ludique et adaptée à son âge.
En conclusion, si les éleveurs sont une source précieuse d'informations sur la race et les premières semaines de vie du chiot, il est primordial pour les nouveaux propriétaires de consulter également des professionnels du comportement animal. Nous sommes là pour fournir une expertise basée sur les connaissances scientifiques actuelles et pour accompagner les familles vers une relation harmonieuse et épanouissante avec leur compagnon canin, en déconstruisant les mythes qui peuvent parfois nuire à cette relation.
Avez-vous déjà rencontré des idées reçues de ce type ? N'hésitez pas à partager vos expériences !